De quoi s’agit-il ?
En synthèse
Devenir Papa a profondément changé la vision que j’avais de mon métier et de moi même. Être un bon père est un défi de chaque jour qui fait de moi une meilleure personne et m’apporte énormément dans mes responsabilités de consultant en terme de compréhension, de pédagogie, d’accompagnent au succès et, plus souvent qu’à mon goût… de patience.Mon pire client a cinq ans. Il est créatif, sensible, un peu colérique. Son petit frère a 3 ans. Il aime être dans l’action, dans la réalisation. Il a un rapport très physique au monde. Tous les deux, ils ont une dynamique assez bruyante. À la maison, on a rarement le temps d’apprecier le silence… et nos voisins non plus.
La mauvaise soirée
Je vais vous raconter une anecdote.
C’était un mercredi soir, après une longue et épuisante journée de travail pour moi. Beaucoup de choses en tête et une vague sensation de ne pas réussir à chasser complètement mes problèmes. Les enfants venaient de rentrer d’une folle journée chez leur grand-mère, ils étaient occupés à construire « le plus long circuit de train en bois de la Terre » dans leur chambre.
Je les appelle pour qu’ils viennent manger. Ils refusent. Je m’énerve. Finalement, je suis obligé d’aller les chercher et de les presser un peu. Le repas et pénible et dès qu’il se termine, l’excitation monte.
Le petit profite que j’ai le dos tourné pour se déshabiller entièrement et courir nu dans toute la maison pendant que le grand est monté « se brosser les dents », c’est-à-dire vider son tube de dentifrice dans le lavabo.
Je m’énerve, hausse la voix et les recadre. On brosse les dents, on se met en pyjama, puis au lit. Malgré plusieurs histoires, le cirque continue : le grand demande plusieurs fois de l’eau, des câlins, qu’on allume telle ou telle lumière… tout pour ne pas dormir même si son petit frère, lui, a déjà rejoins Morphée.
Agâcé, je décide de l’ignorer en retournant au salon. Rapidement, je n’entends plus rien et profite de ce silence pendant une heure.
La parole est d’argent mais le silence est d’or.
Sauf que quand tu es parent, le silence, c’est suspect.
En effet, pendant mon « absence », mon fils ainé a réveillé son petit frère et ils ont attrapé un rouleau de papier toilette et redécorer la pièce. Ils ont ensuite pris leurs couettes et leurs oreillers pour s’installer sur le pallier. Ils m’expliqueront plus tard que dans la chambre, il y avait « trop de bazar ».
Bref, je les retrouve endormis par terre, entourés de PQ.
Quand tu as l’impression d’avoir passé une mauvaise journée au boulot, ce genre de soirée t’aide vachement à relativiser… et parfois aussi, ça t’apprend beaucoup sur toi-même.
Dans l’erreur
En fait, je me suis planté quasiment à chaque étape de cette soirée.
J’ai d’abord demandé à mes fils d’avoir la notion du temps, alors qu’ils ne savent pas le mesurer. Dans une situation comme ça, j’aurais dû leur donner des consignes plus claires, des repères qu’ils auraient pu comprendre pour situer, dans le planning familial, l’heure du dîner.
Je n’ai pas reconnu leur frustration comme légitime car pour moi, leur activité n’était pas pertinente. En leur refusant ma considération, je n’ai pas su reconnaitre et accompagner leur deuil.
Ma réaction de colère n’était liée à qu’à mon propre stress, à mon incapacité à me projeter plus loin dans la soirée : j’étais énervé parce que je jugeais la situation comme inconfortable. Elle ne l’était pas tant que ça et, prise avec humour, elle aurait pu me faire rire.
Je n’ai pas su reconnaitre leur excitation du soir comme ce qu’elle était : une peur que la journée se termine, une inquétude face à l’inconnu. Et je n’ai pas su voir que la fatigue les empêchaient d’exprimer cette peur. Ils avaient besoin d’être accompagnés dans un processus répété et identifiable pour garder leur angoisse sous contrôle.
Depuis que je suis père
Dans mon métier, le conseil, on parle souvent de pedagogie, d’éducation, d’accompagnement. Si on n’y fait pas attention, on peut rapidement avoir une attitude paternaliste avec nos clients. Mais paternaliste n’est pas paternel.
Être père m’a appris qu’on ne rendait pas service à des personnes en les forçant à rentrer dans notre univers. Qu’on ne pouvait pas les convaincre de force ou par la menace. Accompagné, élever, c’est avant tout paver le chemin et donner des repères, qu’ils soient suivis ou non. Ils sont au moins vu. Inconsciemment, ils participent à l’évolution.
Pour emporter l’adhésion, il faut aborder l’univers de l’autre, se l’approprier et savoir comment y apporter les éléments essentiels. Il n’y a qu’en entrant soi-même dans les mécanismes internes d’une entreprise ou d’un groupe qu’on peut lui offrir le meilleur service, du moins celui qui a la plus grande valeur.
Et souvent, ça implique de donner un peu de sa personne, trouver des moyens détournés et ludiques, utiliser des métaphores narratives (comme ici), apporter de la créativité et de la sérendipité… bref, de l’agilité.