J’ai tenté d’expliquer dans un précédent article les raisons de la crise des Subprimes. Depuis, les choses ont évolué et il est nécessaire d’aller un peu plus loin dans la compréhension des personnages…
Pour ceux qui auraient peur de la longeur de l’article : pas de panique, ça se lit vite.
C’est d’abord l’histoire de Mickael. Mickael est marié. Il a trois enfants, peu de revenus, et sa voiture vient de le lâcher. Il souscrit un prêt auprès d’une banque qui lui explique que dans sa situation précaire, seul un prêt à taux élevé est possible. Mickael acquiesce : il devra rembourser les intérêts dans les deux ans puis le solde la troisième année… mais il ne sait pas trop s’il y arrivera…
Mary et son conjoint viennent d’acheter une maison et n’ont pas encore eu le temps de mettre de côté des fonds pour financer un deuxième grand projet qui leur tient pourtant à cœur et pour lequel une occasion en or se présente. Comme ils sont sérieux et que la maison qu’ils possèdent prend de la valeur, leur banquier accepte de leur prêter de l’argent, en échange d’une caution : leur bien immobilier.
Richard est banquier. C’est lui qui a prêté à Mickael avec de forts intérêts et qui a demandé à Mary une caution sur sa maison. Comme ses investissements lui semblaient juteux, Richard les a transformés en titres qu’il vend à d’autres banques et à des fonds d’investissement.
La maison de Mary perd en valeur parce que la demande de biens immobiliers aux États-Unis stagne. Pour que ses titres conservent leur valeur, Richard décide d’augmenter le taux du crédit de Mickael. Mais celui-ci n’arrive plus à joindre les deux bouts, et n’arrive pas à payer.
Lucia s’occupe des recommandations pour un célèbre fond d’investissement. Il y a quelques mois, elle avait recommandé l’achat des titres émis par la banque où travaille Richard, mais elle n’est plus sûre aujourd’hui de leur intérêt car de plus en plus d’emprunts semblent impayés, probablement parce que de nombreuses personnes sont dans situation de Mickael. Elle décide donc de les vendre.
Tayaka conseille un fond d’investissement asiatique. Elle suit l’activité et voit que de nombreux fonds, comme celui de Lucia, vendent leurs titres. Elle décide des les vendre aussi mais c’est déjà trop tard : tout le monde semble savoir que ces titres s’effondrent et personne ne veut les acheter. Tayaka décide donc de les vendre en les groupant avec d’autres titres, plus intéressants, quitte à les brader légèrement. « Une petite perte maintenant vaut mieux qu’une grosse plus tard », se dit-elle.
La banque de Richard perd énormément d’argent car les fonds d’investissement auxquels elle avait l’habitude de vendre ses titres ne veulent plus les lui acheter. Afin de pouvoir poursuivre son activité, elle décide d’emprunter à faible taux à une autre banque.
Raoûl décide des emprunts accordés par la banque où il travaille et voit arriver le dossier de Richard. Raoûl ne connait pas Richard, ne connait pas le marché de l’immobilier américain, ne connait pas Lucia, Tayaka et les autres. Raoûl écoute juste la radio et tout le monde dit qu’en ce moment, c’est la panique sur les marchés financiers car tous les titres sont en chute de valeur. Parce qu’il a peur, Raoûl refuse le dossier. La banque de Richard ne se renflouera pas chez lui.
Alerandra est décisionnaire dans une grande banque centrale (comme la BCE en Europe ou la FED aux États-Unis). Les liquidités, ce n’est pas ce qui manque ici. Mais si on ne fait pas rapidement quelque chose, le marché court à la faillite. Elle conseille donc à ses supérieurs de prêter de l’argent aux banques qui en ont besoin afin de réguler ce qu’on appelle déjà un minikrach. Mais ses supérieurs ont déjà mis en place des stratégies à long terme qui imposent la hausse des taux directeurs, et les banques ne sont pas forcément intéressées par des emprunts qui peuvent leur coûter cher.
Les liquidités viennent à chuter chez tous les acteurs financiers. Les titres baissent et cela semble durer. Dans ce vent de panique, Lucia, Tayaka, et les collègues de Richard et de Raoûl vendent leurs titres avant qu’ils ne valent plus rien. Et ils vendent tout et n’importe quoi, du moment que ça rapporte.
Mickael a du vendre la voiture qu’il avait acheté pour rembourser son prêt.