Lundi doit être lue aux lycéens la "Lettre de Guy Moquet" et on entend déjà plusieurs groupes enseignants qui se refusent à lire la lettre aux élèves. Mais pourquoi ?
Son passé
Guy Moquet n’était pas un adolescent comme ceux d’aujourd’hui, nourri aux jeans de marque, à la tektonik et aux bons sentiments à base de développement durable (mais anti-politique, car c’est "tous des salauds" ). À à peine 16 ans, son investissement politique envers le communisme s’était déjà manifesté à de nombreuses reprises (sûrement via l’influence de son père) et c’est en distribuant des tracts pour le PCF qu’il fut arrêté. Certains enseignants sont donc un peu gênés de susciter chez leurs élèves un sentiment d’identification pour un jeune si politisé et si loin de leur propre réalité.
Ceux qui l’ont tué
Pas de quoi être fiers. Même si la France vivait l’occupation ce sont tout de même des français qui ont arrêté l’adolescent, qui l’ont jugé et désigné pour l’exécution allemande. Comment expliquer cela aux adolescents ? Faut-il le leur cacher, leur dire qu’il a été abattu par l’occupant sans mentionner ce lourd héritage ?
Celui qui l’a ressuscité
Nicolas Sarkozy ne s’est pas fait que des amis dans la population enseignante, c’est le moins que l’ont puisse dire. Et lire à haute voix une lettre qui réveille les sentiments patriotiques des jeunes français tout en sachant que le soir même en rentrant chez eux ils verront les journaux félicitant Nicolas Sarkozy de cette initiative (et répétant à quel point c’est courageux en pleine période divorce…). Je comprends que ça les chiffonne franchement.
Mon avis
Rendre l’Histoire et la Politique plus humaines est une bonne idée. Il faut arrêter d’expliquer aux enfants que l’Histoire c’est du "par cœur". Ce n’est pas comme ça qu’ils vont comprendre. De même, il est temps d’arrêter de culpabiliser les jeunes qui ont une conscience politique et un bon moyen est de leur montrer que d’autres avant eux étaient comme ça aussi.
Cependant, je ne suis pas certain que Guy Moquet soit le bon exemple. D’abord parce que sa (courte) histoire est trop politisée (à la fois dans le passé et dans le présent) mais aussi parce que la lecture d’une lettre un jour ne changera pas fondamentalement la perception d’une matière (voir deux si on ajoute l’instruction civique) dans les yeux des lycéens le reste de l’année.
Alors que faut-il faire ? Ne pas lire la lettre ? Non, je ne pense pas que ça serve à grand-chose si ce n’est à frustrer les élèves dont les amis leur en parleront plus tard. Non, autant la lire et leur donner une vraie explication, complète et sans vérités cachées, y compris sur le rôle de la France collabo. Prévoir plusieurs dizaines de minutes pour répondre aux questions…