Nous étions, comme à l’accoutumée, en train de développer. Derrière nous, les traders passaient des ordres. À droite, les middles validaient les valorisations. De l’autre côté des écrans, un structureur se détendait quelques minutes en racontant une blague à ses collègues. Soudain, provenant du milieu de la salle, un bruit aigu. Comme un rire mais pas tout-à-fait.
Quelques millionièmes de seconde plus tard, l’hypothèse d’une farce. Ou alors d’une simulation d’orgasme, façon « Quand Harry rencontre Sally ». Le cri s’intensifie. On entend clairement maintenant la longue plainte qui émane : un « non » lancinant et désespéré, répété sans cesse.
Les têtes qui ne s’étaient pas encore relevées se redressent. Nous regardons tous en direction du cri sans savoir d’où il vient mais à l’entendre, il se déplace pour se rapprocher du sol. Nous ne savons pas ce qui se passe et pourtant, nous savons. Personne ne nous a rien dit et pourtant, nous avons compris. Nous ne savons pas de qui il s’agit mais nous pleurons quand même.
A quelques mètres de moi, un des salarié retourne à son siège. Et pour rompre ce silence de souffrance et certainement pour confier aux mots ce qui est trop difficile à comprendre, il prononce à voix haute…
« Elle a perdu son gamin ».