La Finance de marché n’a pas bonne image et ce ne sont pas les récents évènements qui en ont amélioré la perception pas les citoyens français. À droite comme à gauche, une vision commune considère la Finance comme un domaine de l’économie dont les conséquences se résument invariablement à des drames sociaux comme les délocalisations, les plans de restructuration ou la perte de l’épargne des bons français. Au cœur de cette perception, deux légendes entretiennent le mythe. D’abord, l’actionnaire diabolique à la recherche d’un profit rapide et ensuite, le trader fou.
En effet, une croyance fortement ancrée limite les motivations de l’investisseur aux profits rapides issus d’une forte pression sur la direction, quitte à épuiser le patrimoine de l’entreprise. Sa vision est à court-terme : quelques mois, au mieux quelques années. Les conséquences de son action sont invariablement les mêmes : licenciements (pour réduire les coups sociaux) et/ou délocalisation (vers un pays où la main-d’œuvre est moins chère).
Quand ce n’est pas cette vision qui domine, c’est celle du trader fou, spéculateur au possible, responsable de toutes les pertes de repères de l’économie financière par rapport à l’économie réelle. Et quand il n’est pas fou, c’est qu’il ne joue pas la transparence et réalise des profits immérités en masquant des opérations, en saisissant des contreparties invalides ou en manipulant les prix des matières premières…
Et ce ne sont pas nos chefs d’État qui aident à changer cette image :
On fait de l’argent sur le dos des gens et après on fiche tout le monde dehors. La dictature financière, ça suffit.
Jacques Chirac, Le Monde, 30 mai 2006
La libre concurrence n’est pas plus compatible avec les dumpings de toutes sortes que le capitalisme entrepreneurial n’est compatible avec la prise totale de pouvoir par la finance et la soumission de la logique de la production à la logique financière
Nicolas Sarkozy, Conférence de presse de l’Élysée, 8 janvier 2008
Ce qui est vicieux avec cet état des choses, c’est qu’on oublie totalement le rôle de l’investisseur et du spéculateur dans la vision « normative » de la Finance, ne retenant que la façon dont on fait la Finance aujourd’hui. L’investisseur entrevoit les bénéfices à court terme d’évolutions d’entreprises à long terme. Lorsqu’il investit dans une entreprise, il investit sur son potentiel de réussite à 10, 20, 30 ans. Et lorsqu’il se retire d’une entreprise, ce n’est pas pour provoquer des licenciements, mais au contraire pour réinvestir dans un autre support de création d’emploi.
Quant au trader spéculateur, on néglige toujours son rôle d’agent de liquidités. Quant une entreprise décote, il est le seul à investir en prévision d’un retournement de situation, participant ainsi à son éventuel redressement. Et lorsque ce retournement a effectivement lieu, il est le seul à devenir vendeur de titres au moment même où l’entreprise a le plus besoin d’investissement.
On comprend ainsi la grogne des financiers quand les chefs d’État, jouant sur la « fracture sociale », décident de jouer les redresseurs de tort d’un système qu’ils ont renoncer à normer pour en tirer le meilleur bénéfice commun.