La barrière de la langue est parfois infranchissable. Mais parfois, l’émotion suffit.
Ils sont quatre : deux hommes, deux femmes. Assis côte-à-côte sur les sièges verdâtres en plastique thermo-formés, ils regardent devant eux. L’une des femmes a un long manteau de laine vert foncé. Les hommes sont en jeans et vestes en cuir usé. Les femmes ont les larmes au bord des yeux. Les hommes semblent plus fiers, se tiennent droit et essaient de ne pas avoir l’air concerné. Je n’arrive pas à comprendre les mots qu’ils échangent, mais je crois reconnaitre des consonances slaves. Serbo-croates, slovènes… bulgares, peut-être ?
Parfois, l’infirmière vient leur donner un statut. Je vois à leurs yeux qu’ils ne comprennent pas bien ce qu’elle dit. Quand elle part, ils se regardent, échangent nerveusement quelques phrases et retournent à leur état silencieux. Un des hommes se lève et s’isole. Il sort son téléphone portable. J’entends des sons qui jaillissent du combiné : l’homme regarde une vidéo dans laquelle des enfants rient par dessus une musique de Noël. Il chuchotte , comme s’il s’adressait aux enfants de la vidéo, et tandis que les rires continuent, pleure seul et en silence dans un coin de la pièce.
J’ai eu vent quelques heures plus tard de la situation. L’adolescent hospitalisé a subi une intervention chirurgicale et a pu repartir avec sa famille. Il n’a jamais risqué la mort, mais sa famille ne pouvait pas le savoir : aucun d’entre eux ne parlait français.