Windows 8 se vend mal. Même si une centaine de millions de licences se sont écoulées depuis la sortie de l’OS, toutes ne sont pas activées et Windows 8 ne représente que 3 à 5 % du parc PC. Il y a des choses à changer dans Windows. Et vite.
Un peu d’histoire
Pour bien comprendre le problème, il faut remonter dans le temps et observer la façon dont les usages changent, notamment la manière dont le grand public « consomme » un Personnal Computer. Depuis l’arrivée d’Internet, les usages sur PCs n’ont pas énormément changé. Microsoft a sorti de nouvelles versions de Windows qui se suivaient et se ressemblaient, en ajoutant de nouvelles fonctionnalités bienvenue mais dont l’innovation était marginale du point de vue des usages.
Pendant ce temps, c’est un autre appareil, le téléphone, qui est entré en mutation. L’iPhone a lancé un mouvement, rompu une barrière que d’autres marques qu’Apple se sont empressées de passer à leur tour et nous avons vu fleurir les téléphones intelligents, c’est-à-dire embarquant ces fameuses fonctionnalités autrefois réservées aux PC ou aux assistants personnels.
Ces nouveaux usages ont profondément changé la façon dont nous percevons notre monde applicatif. Sur PC, nous lancions une application complexe pour réaliser des tâches complexes. Sur Smartphone, nous utilisons des applications simples, inter-connectées, pour réaliser des tâches simples qui forment, les unes associées aux autres, des motifs complexes. Et nous avons transféré ce désir sur nos PC et nos tablettes. Nous ne sommes plus forcément à la recherche de l’application qui fait tout, mais l’application qui fait simple, mieux et plus vite. Et cela ne nous dérange pas de collectionner les applications. Nous aimons cela, nous en parlons et pour autant qu’on nous aide, qu’on nous guide en nous offrant une place de marché, nous sommes prêts à payer ces petites briques applicatives bien davantage que ce que nous dépensions avant dans des logiciels et sans piratage.
Microsoft n’avait aucune proposition de faite sur ce terrain.
Innover sans détruire
Ce que Microsoft avait, c’est un système d’exploitation à la couverture planétaire, permettant d’exécuter des millions de logiciels dans toutes les langues du monde. Il n’était « juste » pas adapté aux usages en question. Il y avait bien eu des tentatives liées à la mobilité, très innovantes d’ailleurs car Microsoft avait investi le terrain dès 1992, mais elles n’étaient plus convaincantes face au révolutionnaire iPhone.
Windows 8 (et Windows Phone) est né de ce manque, de cette absence. Microsoft expliquant au monde : « nos produits n’étaient pas pensés pour la mobilité et l’utilisation fun ou occasionnelle. Nos produits n’étaient pas adaptés à la façon dont vous souhaitez utiliser vos ordinateurs aujourd’hui. Nous vous avons écoutés, nous avons compris et voilà ce que nous vous proposons : Modern UI ».
Une nouvelle interface, au design innovant (qui a participé à la tendance « Flat Design » qu’on voit fleurir en ce moment), avec laquelle l’utilisateur interagit d’une façon inédite sous Windows. D’un point de vue fonctionnel, une très bonne synthèse de toutes les tendances du moment. Sauf que…
… sauf que pour conserver le cœur de Windows, pour justement convaincre les millions d’utilisateurs et de développeurs Windows, Microsoft n’a pas osé tout changer et Windows 8 n’est pas que Modern UI.
Windows reste un système de bureau qui s’utilise avec une souris et un clavier et pour lequel les gros doigts des utilisateurs de tablettes n’ont aucun intérêt. Windows 8 ne déroge pas à la règle. Derrière l’interface innovante se cache un bureau qui a très peu changé depuis Windows 98, à la fois visuellement et dans les usages. Il faut dire que Windows est un système hérité, sur lequel les utilisateurs s’attendent à pouvoir conserver leurs habitudes. De la nouveauté, ils en veulent, mais tant que les logiciels Windows 98 continuent à s’exécuter.
Ainsi, le « problème » de Windows 8 ne vient pas nécessairement de sa nouvelle interface, il vient de la mixité forcée entre cette nouvelle ergonomie et l’ancienne. Il suffit de voir la plus grosse critique des utilisateurs de Windows envers cette nouvelle mouture : l’absence du bouton « Démarrer ». Une question que ne se posent probablement pas les utilisateurs de tablettes ou les utilisateurs « tactiles/occasionnels ». C’est bien du monde « bureau » que vient le rejet.
Et pour le prochain Windows ?
Faut-il faire table rase de ce Windows pour préparer le suivant ? Non, bien sûr, et j’irais même plus loin en disant qu’il faudrait peu de choses pour redonner de la cohérence au produit. Il est juste nécessaire de séparer les usages. D’un côté, un Windows dédié aux tablettes et 100 % Modern UI (c’est déjà le cas de Windows RT, mais avec des contraintes de développement pénibles). De l’autre, un Windows en pur « bureau », sans mixité forcée avec la nouvelle interface et qui assure la rétro-compatibilité nécessaire à de nombreux usages bureautiques.
Malheureusement, je sais également que ce que je préconise est impossible : toute division de la marque ou de la gamme nuira à l’image de marque de Windows, en plus de coûter très cher en maintenance à Microsoft. Mais imposer aux utilisateurs cette double interface ne fonctionnera pas longtemps. Nous avons tous des schémas mentaux associés aux produits que nous utilisons. Deux schémas pour un même produit, cela ne fonctionne pas.
Alors il ne reste qu’une solution. Il faut prolonger le support de Windows 8 (pour en faire une version rétro-compatible durable) et dans le futur Windows : achever le bureau, ou le réserver à une petite minorité d’utilisateurs en le désactivant par défaut.
Le risque est grand et Microsoft a beaucoup à perdre dans l’opération mais il n’y a qu’à ce prix que Redmond transformera l’essai de Modern UI et adressera vraiment les nouveaux usages de l’informatique domestique.