Mais si les électeurs se déplacent, c’est aussi par altruisme : plus l’électeur est motivé par le bien-être de sa communauté ou de son pays, et non par son seul intérêt égoïste, et plus il retire de satisfaction de son acte.
Alexandre Delaigue et Stéphane Menia, Sexe, drogue… et économie
Nous avons une grande tendance, en France, à sacraliser le vote. Peut-être s’est-on tellement battu pour l’avoir que nous considérons qu’il s’agit du seul mécanisme d’expression citoyenne. Cela nous a amené, au fil des années, à négliger les indécis. Sauf que…
L’importance du processus démocratique est de faire un choix conscient. Ne sélectionner aucun des candidats est un choix, qu’on se déplace pour l’exprimer ou qu’on le fasse depuis chez soi. Les seuls personnes qui ne remplissent pas leur devoir citoyen sont celles qui ne prennent aucune décision (y compris celle de ne pas choisir volontairement). Mais il est impossible de savoir quel pourcentage des abstentionnistes elles représentent. C’est tout le sens du vote blanc : démarquer les indécis volontaires de ceux qui veulent manifester leur découragement face aux alternatives qui leur sont proposées.
Ceci étant dit, toute la discussion a un intérêt extrêmement marginal, le vote blanc comme l’abstention n’étant de toutes façons pas comptabilisés dans les processus électifs. Et heureusement. Un Président élu à 54 % sur une participation de 68 % n’est en fait élu que par moins de 37 % de la population. Allez faire valoir un pouvoir décisionnaire avec ça… Au moindre accroc, le peuple serait dans la rue, criant au manque de représentativité et réclamant un bon lynchage médiatique. Déjà que sans ça…
Ça ne veut pas dire qu’il faut mettre abstention et votes blancs dans le même panier. D’ailleurs, depuis le 1er avril 2014 (suite à la loi du 21 février), les votes blancs sont comptabilisés. Cela permettra peut-être aux abstentionnistes « par dégoût » de revenir aux urnes : même si leur vote ne sont pas pris en compte dans les calculs de majorité, l’impact médiatique d’un très fort vote blanc est désormais possible et rester chez soi « pour manifester contre tous ces pourris » n’est plus une stratégie valide. Le vote blanc est la seule clé d’un sursaut des consciences.
Car l’abstention et le vote blanc ne sont pas des gestes qu’il faut prendre à la légère, sortir du contexte citoyen. Ce sont des media importants pour exprimer qu’on ne sait honnêtement pas quel candidat est le meilleur pour la communauté. Les causes peuvent être nombreuses : programmes flous, incapacité à se confronter à l’autre, manque de recul économique… Et il faut dire que peu d’élus font l’effort d’expliquer, de confronter, de reconnaître les forces comme les faiblesses de leurs programmes… bref, de discuter. Je serais intéressé de connaitre le nombre de villes où un débat a eu lieu entre les candidats. Peu, à mon avis.
Enfin, un dernier point : la citoyenneté et le processus électif sont deux choses très différentes. On peut être un formidable contributeur au sein de sa communauté sans pour autant avoir de vision économique ou avoir établi une stratégie concernant l’exercice du pouvoir. Cela peut même être une preuve d’intelligence : mieux vaut ne pas savoir et se taire que l’ouvrir pour répéter les conneries qu’on a entendu au dernier meetings du {insère ici le nom d’un parti d’Extrême Droite ou Gauche, surfant sur une peur locale et d’actualité – fermeture d’usine, chomâge important, visite de Nabilla – pour se faire élire}. Mais il ne faut pas oublier que d’autres, eux, voteront.