En entreprise, une compétence est rarement absolue, elle s’évalue souvent en fonction d’un savoir-faire, d’un savoir-être ou d’un savoir-communiquer qui ne peut se mesurer que par rapport à d’autres. Du novice à l’expert, il faut gérer les différents niveaux d’intuition pour constituer les meilleures équipes, celle qui permettent à chacun de s’épanouir dans le niveau de compétence ciblé (qui n’est pas nécessairement le plus haut en terme d’expertise).
Plusieurs classifications existent pour qualifier des compétences. Je vais vous parler aujourd’hui du modèle d’acquisition de compétences de Dreyfus.
Les profils
Le novice
Il a peur ou aucune expérience. Son objectif premier : obtenir des résultats rapidement. Pour cela, il va attendre qu’on lui expose clairement les contraintes et les règles absolues permettant de les dépasser pour réaliser des tâches simples. Les succès lui permettent de prendre rapidement confiance en lui mais il est facilement perturbé par tout ce qui sort du cas nominal.
Le débutant avancé
Il continue à se focaliser sur des tâches mais commence à prendre du recul sur le contexte, en extrapolant à partir d’exemples. Cela lui permet aussi de prendre du recul sur ses compétences et de commencer à affirmer ce qu’il sait faire, et d’envisager ce qui lui reste à apprendre. Son exécution dépend encore beaucoup de règles et de consignes. En cas d’échec, il imputera facilement ses erreurs sur ces dernières.
Le compétent
En classant et triant ses expériences, le débutant créé des perspectives. Quand il commence à choisir de lui-même la bonne perspective, il devient compétent, prend le contrôle de la situation, prend des initiatives (émancipation par une vision instinctive de la solution). Cette phase nécessite de surmonter ses peurs, ce qui a également pour effet de faire entrer la gestion de ses émotions dans le processus décisionnel.
L’efficace
Il repose de plus en plus sur l’intuition pour reconnaitre les situations, ne se fiant pas ou peu aux jeux de règles et de maximes qu’il connait. Il prend un cran de recul supplémentaire et commence à comprendre d’où viennent les règles. Enfin, il est capable d’enrichir son savoir par les retours d’expérience d’autres : il transforme sans y penser des informations sur l’acquisition du savoir-faire en information sur le savoir-être et a de plus en plus de mal à distinguer les deux.
L’expert
L’expert réagit entièrement de manière intuitive, prend directement la bonne décision. Il n’est plus conscient des mécanismes qui conduisent à sa décision, il agit par réflexes. Il est capable d’analyser ses actions, mais cela lui demande un effort : il est plus naturel pour lui d’agir que d’expliquer ou de faire attention à la façon dont il se comporte.
Équilibrer une équipe
Dans le modèle de Dreyfus, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise position, mais plutôt une distribution inégale avec quelques novices, beaucoup de débutant avancés, peu de personnes efficaces et très peu d’experts. L’expertise est quasiment entièrement évaluée au regard de l’intuition de la personne, les débutants préférant l’exécution de règles. Mais cette intuition a un coût : la communication. Il est donc déconseillé de réunir directement des profils ayant plus d’un cran d’écart. Inutile par exemple de mettre ensemble des gens qui ont besoin de beaucoup de réponses (les novices) et des gens incapables d’en fournir (les experts).
D’autres modèles ?
Il existe de nombreux autres modèles mais j’aime bien celui-là car il démonte facilement ce qu’on appelle « expert » dans le monde du numérique. Très souvent, il s’agit d’une personne qui maitrise très bien son sujet mais est encore capable d’expliquer les choses, voire aime cela. Dans la matrice de Dreyfus, il s’agit donc plutôt de quelqu’un de compétent.
J’ai croisé peu d’experts dans ma vie professionnelle et je suis loin de me considérer comme l’un d’eux sur aucun sujet mais comme tout est relatif, je suis sûrement l’expert de quelqu’un (et le novice d’un autre).
J’essaie de toujours garder en tête que chaque compétence doit être évaluée individuellement et qu’on peut être compétent quelque part et un novice ailleurs. Pour ma part, le degré le plus haut ne me passionne pas : j’aime trop expliquer ce que je fais !