En politique et en sociologie, diviser pour régner (du latin « Divide ut regnes ») est une stratégie visant à semer la discorde et à opposer les éléments d’un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer. Cela permet de réduire des concentrations de pouvoir en éléments qui ont moins de puissance que celui qui met en œuvre la stratégie, et permet de régner sur une population alors que cette dernière, si elle était unie, aurait les moyens de faire tomber le pouvoir en question.
« Diviser pour régner », Wikipédia
Nous ne sommes jamais que de grands enfants
Les hommes politiques nous divisent de la même manière que le marketing manipule des catalogues de jouets.
- QUI SOMMES-NOUS?
— PacoDelo (@Francisdelo) 18 Février 2016
- DES MINISTRES !
- QUE VOULONS-NOUS ?
- INVERSER LA COURBE DU CHÔMAGE !
- QUAND ?
- QUAND L'OPPOSITION SERA AU POUVOIR !
En nous forçant à choisir entre deux bords qui ne sont que de constructions théoriques regroupant des réalités complexes et variables dans le temps ; en nous exposant continuellement leurs conflits internes et leurs petites phrases ; en nous montant les uns contre les autres… nos hommes politiques s’assurent que nous ne remettions pas en cause le système.
Nos rhéteurs, habiles, savent servir un certain discours à un homme de 53 ans, cadre administratif, de gauche, lors d’une assemblée du CRIF et en servir un radicalement différent à une jeune femme au foyer, chrétienne et présidente d’une association des parents d’élèves. La cohérence de l’ensemble n’a pas d’intérêt si vous arrivez à faire en sorte que ces deux populations ne se parlent jamais. Plus les groupes se détestent entre eux, mieux la stratégie fonctionne. Un programme politique n’est d’ailleurs plus nécessaire. Seule la personne compte, l’égo, la « geule » et surtout, la côte de popularité.
Un imaginaire construit
La politique est pourtant une affaire complexe, qui requiert à la fois des compétences pointues en économie mais aussi une bonne compréhension des mécaniques juridiques, de ce qui constitue la culture et les valeurs d’un pays, ainsi qu’un grand talent pédagogique et du courage pour expliquer ce qui n’est pas simple.
À la place, nous avons des conteurs qui nous narrent des récits faciles à assimiler. Dans la jungle des absurdités, citons par exemple :
- un remaniement est une bonne chose : prenons un Gouvernement, fort de plusieurs mois d’expérience, et remplaçons-le par un ensemble de bleus bites ;
- quel que soit le parti, quelle que soit la période, il existera toujours un apparatchik incarnant « le renouveau » ;
- la Finance est l’ennemi de tous, mais elle est présente dans toutes les « affaires » internes aux partis…
En ce moment, en France, on est à fond sur le « problème musulman ». C’est un problème qu’on a construit de toute pièce ces quinze dernières années, en prenant les actions de quelques connards et en soulignant bien qu’ils étaient musulmans plutôt que, par exemple, des connards. Et plutôt que de mettre en place les mesures nécessaires à remettre les connards à leur place, nous avons stigmatisé les musulmans.
Ce « problème » tend à nous faire simplifier une population, « les musulmans », comme on simplifierait le clivage entre jouets pour filles et jouets pour garçons. Peu importe que personne ne sache vraiment définir ce qu’il met derrière le mot « musulman » : origine ethnique, sociale, politique, géographique, inclination spirituelle, dogme… Le musulman est juste un nouvel « autre ». Comme l’immigré, il est un « barbare » dont l’existence suffit à définir, par opposition, la nôtre. Le musulman n’est qu’un nouveau juif.
Mais la xénophobie n’est pas le seul schéma narratif du moment. Nous avons aussi les « fonctionnaires fainéants », la « lutte des classes », l’Europe qui étouffe ses États membres, les discriminations envers les femmes, le « travail, c’est la vie » (vive Trepalium)…
Ces gammes de jouets sont juste moins porteuses en ce moment. Mais notez un schéma récurrent : chacune d’entre elles est porteuse d’un schéma de lutte et de division. Ne méprenez pas mon propos, je ne remets pas en cause cette façon de voir le monde. J’adhére moi-même, et souvent instinctivement, à plusieurs d’entre elles.
C’est juste qu’il devient très difficile de se construire sa propre vision, de retrouver son imaginaire pour penser un autre monde, orienté vers la collaboration.
C’est pourtant de ce monde-là dont je rêve.