Sur mon bureau, pas de stylos. L’écriture cursive ne me sert plus qu’à signer des chèques et écrire des adresses sur des enveloppes, une fois tous les deux mois. Bien que son enseignement à l’école soit nécessaire pour le développement de la motricité fine, je regrette qu’elle soit la seule piste là où d’autres pays, comme la Finlande, l’ont déjà abandonné.
Hier, à sa demande, nous avons ouvert pour les 4e fois l’éditeur de texte de l’ordinateur : plein écran, police taille 38, majuscules forcées. Je tape « ROBOT », saute une ligne. Il tape ensuite en suivant le modèle. À côté de lui, je lui explique où il en est : « Rrrr », « Ro », « Rob », « Robo, mais attention, il y a une dernière lettre qu’on ne prononce pas mais qu’il faut mettre quand même »…
Papa, comment on écrit « Chocolat » ?
Je lui écris « CHOCOLAT », saute une ligne. Il écrit à son tour en cherchant les lettres, une à une.
Oh, il y a un « T » qu’on dit pas à la fin, comme les robots !
Ça l’amuse beaucoup.
Après deux ou trois mots différents, il m’explique :
Mais moi je veux pas écrire des mots comme ça, je veux écrire des choses !
« Des choses ». Une phrase. Il veut écrire du sens. Je lui propose alors « {Son prénom} AIME LE CHOCOLAT ». Il est heureux. Il écrit ensuite une longue phrase parlant du père Noël et de son petit frère. Il s’applique, essaie de comprendre le découpage entre chaque mot. Plusieurs fois, il m’épate dans sa perception du découpage des syllabes au sein d’un mot.
La session de jeu aura duré une trentaine de minutes et aurait pu être plus longue si elle n’avait pas été interrompue par son petit frère qui appuyait sur toutes les touches en passant.
Il est aujourd’hui en maternelle, dans une classe de « petits-moyens ». Combien de mois, combien d’années avant que mon fils n’ait la satisfaction d’écrire des phrases complètes à l’école, parce qu’il lui faudra d’abord maitriser les arcanes d’un savoir musculaire qui ne lui resservira que très peu ?