Il y a parfois des souvenirs, des échanges, qui font de vous le professionnel que vous êtes. En voici un lié à la Qualité…
Au mois de mai, les ruelles de Paris étaient éclairées d’un printemps ensoleillé. Je rejoins la salle de formation en sifflotant. Pour une fois que je suis l’étudiant, et pas le formateur !
Dans la salle, trois autres participants que je ne connais pas. L’un d’entre eux me regarde étrangement au moment de nous saluer mais je chasse ce détails rapidement pour concentrer mes pensées sur la formation, intense. Quelques heures plus tard, nous partons déjeuner et en profitons pour faire plus ample connaissance.
Manifestement, il me connait. Des indices dans ses propos semblent témoigner d’une légère hostilité à mon égard. Je me triture le cerveau sans arriver à retrouver de qui il s’agit.
Agacé de ne pas retrouver son nom, je finis par lui poser la question.
— Écoute, j’ai l’impression que tu me connais mais… enfin… on s’est rencontrés ?
— Non, je te connais mais tu ne me connais pas.
— Ah, mais, euh… j’ai fait quelque chose de mal ? J’ai été désagréable avec toi ?
— Non, enfin… sans le savoir. Et encore, c’est pas ta faute. Il y a quelques années, je travaillais dans une société qui produisait des encarts publicitaires et toi chez XXXX, un des plus gros clients de notre régie.
— Oui, c’était un de mes clients. Je m’occupais d’améliorer la performance Web.
— Ça, je ne sais pas. Mais nous recevions des alertes régulières pour des évolutions dans nos formats. Supprimer lesdocument.write
, améliorer les temps de réponse, réduire des images, ne plus reposer sur des librairies tierces…
Il marque un temps d’arrêt et continue :
Pendant plusieurs mois, tous les tickets les plus pénibles portaient ton nom. Quand on en voyait arriver un nouveau, on rigolait jaune. Je crois que j’ai fini par te détester, alors qu’on s’était jamais vu. On avait trouvé ta photo sur Internet, elle était imprimée et pointée sur le mur. Sur la cible des fléchettes… Désolé.
La Qualité implique souvent de relever des problèmes d’implémentation et, quand il s’agit de code tiers, de demander aux responsables de corriger. Jamais, avant cet échange, je ne m’étais autant rendu compte de l’existence de ces personnes, de ces gens qui ne sont pas forcément formés à la qualité et ne comprennent pas, au moment où elles reçoivent les demandes, les motivations sous-jacentes.
Je n’ai pas arrêté de créer des tickets mais je le fais toujours avec la plus grande bienveillance. Je continue à être poli et essaie désormais d’inclure des références vers des référentiels permettant à mon interlocuteur
de comprendre ma motivation.Il existe peut-être encore, quelque part, quelqu’un qui me déteste même s’il ne me connait pas.