Le fantasme de ma mère, c’était Sean Connery dans James Bond. « Un homme, un vrai », qui sait mieux que les femmes quand elles le désirent et n’hésite pas à les « prendre », ne leur en déplaise, malgré leur refus.
Au lycée, j’ai lu « Histoire de ma vie », de Casanova. Galant séducteur, manipulateur libertin, Casanova s’y décrit comme un génie qui aboutit (presque toujours) à ses fins (sexuelles) par la ruse et, quand cela ne fonctionne pas, l’agression.
Des exemples comme ces deux-là, je pourrais en sortir des centaines. À chaque fois, l’homme y est prépondérant et la femme décrite comme un bien à conquérir, à acheter. Parfois même, elle est présenter comme l’incarnation de l’honneur du héros, qui se doit alors de la protéger ou de la venger.
Dans ces histoires, un homme fort et beau garçon est forcément désiré, et désire à son tour, à tout moment. Son sexe, ses muscles et son pistolet sont tendus, prêts à bondir sur toutes les femmes dont les attraits « justifient » qu’elles puissent être manipulées par un jeu de pouvoir et d’émotions, ou carrément « forcées ». Car attention, dans ces fictions, les femmes ne sont jamais violées par les héros. Le viol, c’est le ressort du méchant, moche, patibulaire, différent, qui évolue dans l’obscurité et le silence, et finit souvent arrêté ou tué.
Il m’a fallu des années pour comprendre que ce modèle de masculinité ne correspondait pas au genre d’homme que je voulais devenir, qu’il était issu d’une construction des relations hommes-femmes qui invisibilise les violences qui sont faites à ces dernières. Mais je n’avais pas forcément compris à quel point.
Il m’a fallu encore des années pour comprendre que les violeurs étaient principalement des proches, que les viols n’avaient pas lieu dans des ruelles sombres et qu’ils étaient souvent le fait d’hommes ayant une vie sexuelle.
À ce moment-là, je pensais savoir, et pourtant je ne savais pas.
Je pensais me rendre compte, et ce n’était pas le cas.
« Une culture du viol à la française – Du troussage de domestiques à la liberté d’importuner » (Libertalia, 2019), de Valérie Rey-Robert est un ouvrage remarquable qui m’a profondément perturbé. Le livre est remarquablement écrit, incroyablement documenté, d’une densité folle mais sans jamais être difficile à lire, autrement que par son sujet. Je ne sais pas comment le résumer ou le synthétiser autrement qu’en en conseillant la lecture, d’autant plus quand on est un homme.
Si vous avez encore des hésitations, sachez que Valérie Rey Robert écrit depuis des années sur son blog « Crêpe Georgette » qui fourmille d’informations.
Vous pouvez également découvrir son travail sur Twitter où elle n’hésite pas à partager et éduquer sur ces sujets. Il est très rare qu’il se passe une semaine sans qu’elle ne pointe une lecture qui me bouleverse ou me fait regarder le monde différemment.