Au moment où j’écris, la France est en grève à l’appel d’une union intersyndicale (ce qui arrive rarement) à manifester contre le projet de loi du gouvernement sur la réforme des retraites.
Contrairement à ce que disent les députés de la majorité présidentielle, cette réforme n’est pas une nécessité pour maintenir notre système de retraites ou son niveau d’indemnisation. Ce n’est pas un projet en lien avec l’augmentation de l’espérance de vie ou celle en bonne santé. C’est un projet de financiers, destiné à poursuivre la baisse entâmée de la fiscalité des entreprises.
Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est dans la loi de finances 2023, forcée par un 49.3 à l’Assemblée Nationale (le 49.3 est un mécanisme qui permet à la Première ministre, après discussion au Conseil des ministres, de faire passer unilatéralement tout projet de loi concernant les questions financières ou de sécurité sociale) :
Les administrations de sécurité sociale participeront à la maîtrise de l’évolution des dépenses, permise notamment par la réforme des retraites, la réforme de l’assurance chômage favorisant le plein emploi et la maîtrise des dépenses de santé (la progression de l’ONDAM s’établira à +2,7 % sur 2024-2025 puis 2,6 % sur 2026-2027). Les collectivités locales seront également associées à cette maîtrise des dépenses, : avec un objectif de réduction de −0,5 % en volume chaque année leurs dépenses de fonctionnement.
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Ainsi, la poursuite du déploiement du plan « France 2030 » permettra de stimuler l’économie et de soutenir la croissance potentielle en accélérant la transition écologique, en favorisant l’investissement, l’innovation, la cohésion sociale et territoriale et en assurant la souveraineté numérique et industrielle.
[…]
Cette maîtrise de la dépense permettra, sans remettre en cause l’objectif de normalisation des comptes publics, de poursuivre la stratégie de baisses des prélèvements obligatoires engagée sous le mandat précédent afin de soutenir le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises.
Projet de loi de finances no 273 pour 2023
La France comme une start-up : un pays qui n’existe dans ce qu’il attire le désir dans les yeux des investisseurs et des plus fortunés, et qui fera tout pour que leur fortune, qui s’accroit à une vitesse toujours plus vertigineuse, continue d’absorber les richesses ruisselantes de notre pays.
Alors on agite les vieux chiffons. On ment sur l’état réel des caisses de retraite, on rappelle la dette publique « qu’il va bien falloir rembourser » (ce n’est pas si simple), on accuse les grévistes de vouloir paralyser le pays… les rengaines habituelles.
Tout, pourvu qu’on ne rappelle jamais que toutes ces choses qui sont en train d’être conceptuellement puis concrètement précarisées jusqu’à être privatisées : l’éducation, la santé, la logistique, le transport collectif, la culture, la sécurité (y compris des revenus quand on est au chômage, en invalidité ou à la retraite)… sont également des héritages.
Des héritages que manifestement, nous ne transmettrons pas à nos enfants.