C’est pendant la conférence D9 d’All Things Digital que Microsoft a dévoilé Windows 8 et sa nouvelle interface dynamique. Redmond compte sur cette nouvelle interface inspirée de Windows Phone, qui cohabitera avec l’interface traditionnelle tout en étant plus adaptée aux tablettes, pour encourager le développement d’applications HTML5.
Depuis, une véritable tempête s’est abattue sur la communauté des développeurs Silverlight, le Framework RIA poussé par Microsoft depuis des années et sur lequel repose Windows Phone.
HTML5 à la place de Silverlight pour une stratégie unifiée
La stratégie de Microsoft autour d’HTML5 ne date pourtant pas d’hier. Lors de la Professional Developer Conference d’octobre 2010, Bob Muglia (le directeur de la division Serveur de Microsoft), Dean Hachamovitch (directeur général chargé du développement du navigateur Internet Explorer) et Scott Guthrie (président de la Divison Développeur de Microsoft) s’étaient déjà exprimés sur les investissements autour d’HTML5 et d’Internet Explorer 9. Dithyrambiques lorsqu’il s’agissait de parler du futur standard, ils étaient en revanche bien moins loquaces lorsqu’était abordé le sujet de Silverlight.
Bob Muglia expliqua cependant, lors d’une interview menée par Mary-Jo Foley, que Silverlight, bien qu’étant la plate-forme de développement de Windows Phone 7, s’était fait voler la place par HTML5 dans la stratégie multiplateforme de Microsoft. La réaction de la communauté ne s’est pas fait attendre. Se sentant trahis, déçus, beaucoup ont signé une lettre ouverte à Microsoft demandant a minima un support total de Silverlight dans Windows 8.
Malgré un démenti sous forme d’article sur le blog de Silverlight, le mal était fait et la communauté Silverlight est globalement très remontée contre Redmond.
Silverlight, une fin programmée ?
Il faut dire que la donne a profondément changé depuis le lancement de Silverlight en 2007. De nouveaux marchés ont émergé, comme les smartphones et les tablettes et HTML est le meilleur moyen de créer des applications pouvant adresser cette grande variété de plateformes qui ne supportent pas l’environnement d’exécution .NET.
Le cas de Microsoft n’est pas isolé. D’autres éditeurs de solutions RIA ont également reculé devant HTML5. Adobe, par exemple, a annoncé la disponibilité d’outils permettant de convertir du Flash en HTML5. Là encore, un rétropédalage s’est enclenché devant la grogne de la communauté mais le mal est fait : les solutions RIA vont devoir innover ou disparaître.
C’est d’ailleurs sur des créneaux particuliers que la solution s’est surtout démarquée, comme la lecture de médias de haute qualité et le streaming live. Silverlight a notamment permis de diffuser en direct et en HD divers évènements sportifs comme les Jeux Olympiques ou Roland Garros.
Et quel est le prochain périphérique de consommation de masse de médias ? C’est en effet sur smartphone, via son système Windows Phone, que Microsoft soutient le plus Silverlight. Il faut dire que sans applications de qualité, le téléphone ne décollera pas. Il est donc fort probable que ces investissements soient durables.
D’autant qu’une rumeur assez persistante dit que la prochaine version de WPF marquerait l’unification de Silverlight et Silverlight pour Windows Phone, autorisant les applications développées pour Windows Phone à tourner sur Windows 8. Microsoft se rapprocherait alors davantage des pratiques à succès initiées par Apple sur iPad et iPhone, avec un développement pour plusieurs périphériques (PC de bureau, tablettes, mobiles).
Microsoft et les développeurs Web
Et c’est à ce moment-là que la stratégie de Microsoft devient difficile à lire car à en croire les récentes annonces sur Windows 8, le système d’exploitation disposera d’une interface alternative exécutant les applications HTML5. Microsoft compterait donc doper son système en tournant le dos à Silverlight ?
Cela peut se comprendre. Nous sommes à l’aube d’une guerre des Application Stores entre les plus gros acteurs de la scène logicielle. Et pour convaincre le public, nul doute que les chiffres seront mis en avant (même s’ils ne représentent en rien la qualité et l’intérêt des applications disponibles). Commercialement, cela a du sens. D’un point de vue technologique aussi, car le nombre de développeurs Web est bien plus élevé que celui des développeurs spécialisés dans les technologies Microsoft.
Reste pour Microsoft un défi : celui de convaincre ces développeurs d’alimenter la plate-forme en applications. Si tous les développeurs Web s’intéressent à cette nouvelle norme, c’est surtout en tant qu’outil pour le développement… Web. Ils sont, pour la plupart, loin de vouloir développer des applications pour un système d’exploitation en particulier (et encore moins pour Windows). On est ici à l’opposé même des valeurs du Web.
Fréquentant beaucoup de développeurs Web, je constate également une autre tendance : la plupart de leurs conférences techniques passent au moins 20 % de leur temps à souligner les défauts d’Internet Explorer 7, 8 et même 9 pour l’implémentation des nouvelles techniques issues des standards. Animations CSS, Responsive Design… tout cela fonctionne bien sur Chrome, Firefox et Safari, mais pas sous IE. Une bien mauvaise vitrine pour Microsoft qui, malgré les annonces successives, n’arrive pas à convaincre.
Alors même si certaines initiatives vont dans le bon sens, comme le récent package pour Visual Studio permettant de développer des sites ASP.NET en HTML5 et CSS3, cela suffira-t-il pour que quelques développeurs Web raccrochent le wagon Windows 8 ? Rien n’est moins sûr.