Ce qui est incroyable [dans l’affaire de la ciclosporine] c’est de s’être affranchi ainsi de la décence de base. […] Ils ont eu l’impression d’avoir une intuition géniale, c’est une forme de narcissisme.
Le combat n’est pas entre Astérix et Obélix et les vilains romains […] Il est entre [ceux] qui savent que la seule déontologie de l’urgence c’est de faire attention et ceux qui mettent leur narcissisme avant tout.
Je m’explique : quand vous êtes médecin urgentiste, quand vous êtes pompier, la première chose qu’on vous dit c’est de prendre votre temps. Si vous êtes pompier et vous arrivez le premier sur une maison qui brûle et qu’il y a quelqu’un qui hurle au troisième étage… vous sécurisez le périmètre et vous attendez que les autres arrivent. Vous n’y allez pas tout seul parce que vous allez faire un sur-risque et il va y avoir un sur-accident.
Il faut savoir attendre, savoir qu’il y a des protocoles parce que devant la catastrophe, vous êtes tellement pris par l’émotion que vous allez faire des conneries.
Et donc vous retombez sur le protocole parce que vous êtes un vrai professionnel et que vous savez qu’il faut faire 1, 2, 3, dans cet ordre-là et pas n’importe comment parce que vous pensez que vous pouvrez y arriver mieux.
Quand c’est urgent, il faut faire d’autant plus attention.
Philippe Even, médecin pneumologue français, au micro de Fabrice Drouelle dans Affaires Sensibles, le 24 février 2020.
Cette intervention était particulièrement intéressante en soi, parce qu’elle retentit énormément avec des affaires plus récentes, liées au COVID.
Mais elle m’a aussi fait pensé à un incident actuellement en cours dans la petite communauté du web en France, un incident qui pourrait avoir lieu partout et qu’on a d’ailleurs déjà vu partout, malheureusement : le très mauvais accueil de la parole des femmes quand elles s’expriment sur les comportements toxiques dont elles sont victimes.
Aujourd’hui, j’ai une petite histoire à vous raconter. Une histoire où je gagne un trophée attribué par des inconnus. Vous êtes prêt
— M-C Godwin / Mme Guillotine (@mcgodwinpaccard) ? 1/February 23, 2021
Pour les individus pointés du doigt, c’est une attaque directe. C’est un incendie. Et il y en a toujours pour se positionner en victimes plutôt qu’en responsables, pour minimiser, pour pathologiser la ou les femmes s’étant exprimées, pour détourner l’attention en se jetant dans les flammes avec la ferme intention de mourir en héros ou en martyr.
« Cancel culture ruined me »
— Jacob 🌎💧🍁☀️ (@0x606) February 24, 2021
« Oh no. Out of nowhere? »
« No, I said some bigoted stuff »
« And you apologized? »
« No. I doubled down »
« So you tried to move on? »
« No. I harassed everyone who called me out. »
« So… »
« Canceled for no reason »
Ces personnes manquent de recul, ce qui est normal. Elles devraient, à ce moment précis, en prendre. Quand elles font par ailleurs partie d’initiatives collectives se voulant, a minima objectives, voire carrément inclusives, on peut même dire qu’elles manquent de profesionnalisme et il serait légitime de se demander comment, dans leurs équipes respectives, elles accueillent la critique.
Parce que réfléchir à l’inclusion, ou même plus simplement se dire ouvert d’esprit, c’est partir de valeurs et en faire ressortir des actions concrètes et des protocoles personnels ou collectifs.
Des protocoles pour que ce type de choses n’arrivent pas.
Des protocoles pour réagir de la bonne manière si elles arrivent quand même.
Collectivement, une gouvernance pour envisager l’évolution des protocoles existants afin qu’elles ne se reproduisent plus, et des actions de communication permettant d’expliquer tout cela.
Responsabilité ou non (cela me semble assez confus), j'espère que le @DevFestToulouse et @GoogleFR préparent un communiqué sur leurs valeurs et les mesures qui sont en place ou vont l'être en faveur de l'inclusion des femmes dans la tech. Ça ne peut être qu'un excellent signal.
— Boris (@borisschapira) February 24, 2021
Ce n’est pas simple. Lors de ma présidence de Sud Web 2018, quand nous avons voulu mettre en place un Code de Conduite opérationnel (j’insiste sur ce point), cela s’est fait dans une certaine douleur. Interne à l’organisation, d’abord, parce qu’il n’était pas évident pour l’ensemble de l’équipe que c’était nécessaire (moi le premier, même si grâce à Julia Barbelane, j’ai évolué et ensuite adhéré à ce projet1), puis externe à l’organisation, parce que les mêmes agacements se sont exprimés dans la communauté.
Mais cette démonstration que nous étions à l’écoute a aussi permis à des participantes d’anciennes éditions de parler et de revenir, et je ne le regrette absolument pas. Elle nous a permis de nous sentir légitimes à proposer un cadre bienveillant et safe pour que des femmes puissent se sentir suffisament en confiance pour même dormir sur place, parce que ce n’était pas juste des mots.
J’espère que nous y sommes arrivés concrètement, mais je suis prêt (même si ça me terrifie) à entendre demain ou dans 10 ans quelqu’un
nous dire que non, qu’il s’est passé un truc qui n’était pas ok, le ou la croire et l’aider parce que c’est ça aussi, assumer.Les erreurs arrivent. Mêmes avec la meilleure volonté du monde, on peut utiliser des termes ou participer, volontairement ou involontairement, à des situations problématiques. Personne n’est parfait. La seule manière d’en sortir grandi, c’est de se comporter avec responsabilité.
So that was a day
— Rik Godwin (@Tafdolphin) February 24, 2021
- the outpouring of support for @mcgodwinpaccard has been amazing. Ty so much to those who got in touch
- cancel culture still doesn't exist, consequence culture does
- people will literally doxx themselves in order to scream their white privilege into the void
Il n’y a pas de Culture de l’Annulation. Il y a une Culture des Conséquences.
Parce que ça peut servir, j’en profite pour partager à nouveau ce tutoriel de Mélanie Wanga sur la manière dont on peut s’excuser.
-
Derrière chaque allié, il y 100 féministes épuisées. ↩